Normand Provencher
Le Soleil, mercredi 29 mars 1995

Une vocation tardive chez les Carmélites

Avec " Mère ", Denis Boivin est entré au cloître

L’appel de Dieu, elle s'en souviendra toute sa vie, lui est arrivé en pleine nuit. C'était un 19 mars, la fête de Saint-Joseph. Denise avait 43 ans, sortait d'un divorce et était mère de trois grands gaillards.

Dès l'adolescence, cet ex-infirmière s'était sentie interpellée par cet ordre contemplatif, mais jamais comme cette nuit-là.

Elle décide de tout laisser derrière elle et d'entrer au cloître, chez les Moniales Carmélites de Dolbeau. Lorsqu'elle prononcera ses vœux, après cinq ans de noviciat, elle laissera couler des larmes de bonheur et de sérénité Jamais pourra-t-on croire un seul instant à l'ombre d'un regret.

Denis Boivin, un cinéaste de Loretteville, s'est intéressé à ce parcours de vie hors de l'ordinaire. Dans Mère, une œuvre intimiste et touchante, il nous fait découvrir les motivations derrière le " coup de foi" de Denise et les états d'âme de ses trois fils face à cette vocation subite.

Il y a Richard, 23 ans, notre guide dans le récit, qui l'appuie sans jugement, et Ralphe, plus effacé, qui partage la même opinion.

Et il y a Gregory, beaucoup moins compréhensif: "Pour moi, c'est comme si elle s'était suicidée. "

Les premières réactions reçues par le cinéaste à l'issue d'une projection spéciale chez les Carmélites, le week-end dernier, donnent à penser que le film a visé juste.

" Les religieuses se retrouvaient dans l'appel de Dieu de sœur Denise. Elles m'ont toutes dit que c'était exactement de cette façon qu'elles avaient vécu l'expérience ", mentionne-t-il.

Faut dire que Denis Boivin n'est pas néophyte en la matière. Détenteur d'une

maîtrise en théologie, il a fait de la vie de Marie de l'Incarnation son sujet de thèse.

Sa passion pour le cinéma l'a amené à tourner une douzaine de courts et moyens métrages, dont un sur le célèbre coureur de fond Phil Latulippe, et un autre sur Jean Vanier, le fondateur de l’Arche.

Le Pardon est toutefois celui qui l’a véritablement fait connaître. Le film racontait l’histoire véritable de deux parents dans leur cheminement pour pardonner à l’assassin de leur fille. Les droits de ce documentaire, qui a été diffusé à Quatre-Saisons il y a trois ans, ont été achetés par quelques pays.

Mère se veut la suite logique d’un cheminement qui met à l’avant-plan les valeurs humaines et la spiritualité.

Denis Boivin a dû multiplier les démarches auprès des Carmélites afin d'obtenir la permission de tourner à l'intérieur des murs du cloître. Il en garde un beau souvenir: " Ce sont des femmes tellement heureuses entre elles. "

La principale intéressée, maintenant sœur Marie Denise Thérèse de la Croix, a accueilli Mère avec beaucoup de reconnaissance à l'égard de son auteur, qui, comme elle lui avait demandé, a passé sous silence sa vie matrimoniale et traité avec pudeur les passages de son journal intime.

Mère sera présenté ce soir, à 20h, à la salle Dina-Bélanger du Collège Jésus-Marie de Sillery.

[ Revenir à la liste des articles ]